LES ANCÊTRES INCONNUS

Déjà soumis à la loi mystérieuse des migrations humaines qui cherchent à retarder toujours davantage l'heure angoissante du coucher du soleil, l'homme préhistorique de la Presqu'île, venu de l'est et du fond des âges, par vagues successives, ne put aller plus loin que le bord de la mer.
" Il est probable que la mer fournissait une part notable de la nourriture et que les zones d'habitat se déplaçaient. Bien des gisements sont aujourd'hui détruits ou recouverts par les eaux, par suite des variations des lignes du rivage quaternaire. "
Dans notre Bretagne du sud, les premiers témoins de l'humanité sont les vingt-trois squelettes de Téviec, près de Quiberon, accroupis dans leur fosse dallée de pierres plates, et les neuf ensevelis de Hoëdic, morts en 4625 avant notre ère, d'après le radio-carbone. Sur les bords du Mès, on ne trouve pas de telles nécropoles : " Dans un pays où manquaient les grottes et les abris calcaires, rien n'est resté des os dissout par les eaux acides dans un sol de schiste et de granit. " Seules subsistent les innombrables coquilles d'huîtres fossilisées au pied du château de Quifistre auquel elles ont donné son nom : " Quitistre " veut dire " banc d'huîtres " en breton.
Et les millénaires passèrent... Mais plus de deux mille ans séparent encore les sépultures de Hoëdic des premiers mégalithes érigés sur le pourtour et dans les clairières de l'épaisse forêt briéronne. Tombeaux pour des chefs oubliés, autels pour des dieux inconnus, ces pierres géantes ont été dressées avec une technique qui nous échappe, par des moyens que nous ignorons.


Les archéologues se félicitaient naguère de pouvoir compter des centaines de menhirs et des dizaines de dolmens dans la Presqu'île, Certains ont disparu sous la pression des autorités chrétiennes, parce que " les vénéraient des gens trompés par les charmes des esprits " dit un concile de Nantes du dixième siècle. Quelques-uns ont été sanctifiés par leur transformation en monuments religieux , d'autres ont été renversés par la foudre, utilisés par les paysans comme dalles des cours de ferme ou déplantés pour être érigés dans des propriétés privées. Il semble même qu'un village de Mesquer doive son nom à un dolmen disparu : " Ker-Almen, habitation auprès des pierres ".


Nos planteurs de pierres - ou leurs fils - ont laissé, dans notre sol, des témoins moins spectaculaires mais aussi précieux et combien émouvants : humbles outils de la préhistoire, haches de pierre polie, emmanchées dans du bois ou dans des cornes de cerf, silex éclatés ou taillés pour former des grattoirs, des hameçons, des pointes de flèches. Les haches de pierre, à Mesquer, on les ramassait un peu partout sous le buttoir de la charrue ; on en ramasse encore dans les défrichements opérés par les bulldozers. Il semble pourtant qu'elles furent jadis plus nombreuses autour des landes de Trohan et au bord de la mer vers Kerro; au milieu du siècle dernier, un maire, M. Hocquard, en avait recueilli une quarantaine.

 

Depuis 40 ans on en a bien découvert une douzaine. Parmi elles, deux très belles pièces, sans doute votives, furent trouvées en 1968 par un cultivateur "M. Le Gal" , en creusant au bull-dozer, un trou d'eau pour le bétail à la Fontaine-aux-Vaux. L'une d'elle était en silex gris et l'autre en silex rubané. Ces matériaux tout à fait étrangers à la région, surtout le silex rubané, posaient une question d' origine  intéressante aux spécialistes consultés à cette époque. Ces haches furent remises par le cultivateur à l'abbé Mercier, curé de Mesquer à ce moment là, et furent ensuite données par celui-çi à son départ de Mesquer, au Musée de Guérande d'où elles semblent avoir disparues quelques années après. Quel dommage! Toutes informations pour pouvoir les retrouver seraient évidemment du plus haut intérêt pour les amoureux de Mesquer et de son patrimoine.

Devenus maintenant bibelots de collection, ces objets vieux d'au moins 3 ou 4000 ans, sortis de leur contexte, et ensuite dispersés dans les familles, perdent souvent à jamais leur véritable valeur culturelle, et son définitivement perdus en tant que patrimoine hérité de nos plus anciens ancêtres. C'est ainsi qu'autrefois elles étaient employées pour soigner les gerçures du pis des vaches, après qu'on les ait enduites d'une goutte d'huile...d'autres servaient à conjurer la foudre, d'où leur nom de "pierres à tonnerre"; parfois elles tenaient lieu de porte-bonheur et le conscrit qui allait à Guérande touchait fébrilement l'amulette dissimulée entre sa chemise et sa peau, avec l'espoir de tirer, grâce à elle, le bon numéro qui l'exempterait du service militaire.

Mais en dehors des haches qui restent les objets les plus remarquables, et bien sûr les plus ramassés au cours des ages, on a trouvé partout sur la commune du petit outillage néolithique en silex, tels que grattoirs, perçoirs, lames, pointes de flèches, éclats à encoches.

Il faut signaler aussi de nombreux tessons de poteries, trouvés en 1981 à la Pointe de Merquel, en même temps que quelques outillages lithiques. Les réassemblages de quelques-uns de ces tessons permettent de reconstituer la forme générale d'un petit vase en poterie noire lissée, probablement de l'age du fer, et d'un vase de plus grande dimension en poterie rougeâtre épaisse, avec dégraissant à base de sable grossier, probablement de la fin du néolithique. Les spécialistes auraient sans doute les moyens de donner une datation plus précise par thermo-luminescence ou examen des traces de décor de surface.